Questions sur l’étude In Vivo

Lors de sa publication, l’étude in vivo d’analyse toxicologique à long terme (deux ans) portant sur le maïs OGM NK603, et son pesticide associé le Roundup, également testé seul, a connu une exposition médiatique mondiale qui n’a pas manqué de soulever de nombreuses questions sur ces travaux scientifique inédits. Protocole de l’étude, souche de rats, dosage… Dans cet article, le Pr Séralini et son équipe de chercheurs répondent point par point à toutes les questions sur leur étude.


 Quelle est l’amplitude de la différence dans la mortalité des contrôles par rapport à la norme historique ?

Chaque expérience ayant ses conditions propres, la norme historique est trop large pour être un comparatif pertinent. Les témoins sont dans la moyenne de vie normale, et nos différences sont par rapport aux témoins de l’expérience.

Comment expliquez-vous l’absence de présentation de signes biochimiques chez les mâles ?

Mais si, il y en a beaucoup. Tous les résultats ne sont pas cependant présentés dans l’étude, c’était impossible vu leur nombre. Il y a toujours une différence chronologique entre des perturbations biochimiques, les premières, et des lésions pathologiques que nous constatons dans les deux sexes. Chez les mâles les lésions pathologiques ont été plus précoces et plus importantes que chez les femelles au niveau hépatorénal et ce sont ces lésions qui sont présentées.

Les mêmes différences se retrouvent dans tous les traitements, comment pouvez-vous savoir que ce ne sont pas vos contrôles qui sont anormaux ? Ou que ce n’est pas lié au hasard ?

Nos témoins correspondent aux valeurs observées dans l’espèce. Les observations pathologiques ont des explications logiques pour tous les traitements, elles sont cohérentes et assez nombreuses pour ne pas être liées au hasard ; les statistiques poussées au niveau biochimique sont concordantes et le montrent. Nos études in vitro concordent.

Comment pouvez-vous être sûrs qu’une aussi faible déplétion en acides férulique et caféique  explique un aussi grand éventail de pathologies ?

Il s’agit pour nous d’indicateurs compréhensibles des variations du métabolisme du maïs qui ont pu se passer, des pistes logiques fort intéressantes par rapport à la littérature scientifique et nos travaux, elles n’excluent en rien l’action d’autres métabolites toxiques dûs à l’OGM et c’est pour cela que nous demandons un financement pour des analyses en protéomique, transcriptomique. Pour connaître les détails cruciaux de la mécanistique des évènements.

Avez-vous des résultats intéressants pour les dosages de Roundup dans les tissus, la microbiologie et les dosages de transgène ?

Oui, nous avons des résultats qui doivent être complétés qui nous donnent des pistes fort intéressantes qui seront publiées ultérieurement. Plusieurs publications sont prévues après ce premier travail.

Pourquoi utiliser le seuil de 17.5*17.5 mm chez les mâles et 20*20 mm chez les femelles pour comptabiliser les tumeurs ?

Car c’est le seuil de taille à partir duquel plus de 95% des tumeurs sont non-régressives.

Quelle est la base servant à la détermination des critères de pathogénie; utilisés dans la table 2 ? Quelle classification avez-vous utilisée ?

Par élimination différentielle des plus petits écarts. Les études d’anatomopathologies ont été faites à l’aveugle. Elles corroborent la biochimie et les observations de mortalité.

Avez-vous mesuré les résidus de glyphosate dans le NK603 ou les croquettes ?

Oui nous avons vérifié son utilisation et la présence de tous les pesticides. Les valeurs étaient en dessous des seuils réglementaires. Les limites de quantification dans les différentes matrices sont différentes.

Vous indiquez un effet sur le stress oxydatif chez les rats dû à vos traitements, est-ce que les marqueurs du stress oxydatif sont perturbés ?

Oui pour les cytochromes dans le foie, la GST aussi par exemple.

Les maïs ont-il été pulvérisés avec d’autres pesticides ? Avez-vous retrouvé d’autres résidus ?

Oui, normalement, notamment un fongicide. Ce n’étaient pas des cultures bio que nous pourrions tester par la suite. Il n’y a pas de pesticides au-dessus des seuils de quantification dans l’alimentation.

Toutes les tumeurs ne sont pas cancéreuses. Pourquoi avez-vous tout compté en même temps ?

Nous avons compté dans cette première publication sur cette étude toutes les tumeurs non régressives qui vont le plus souvent conduire à la mort. Des tumeurs non cancéreuses ont eu des répercussions plus graves que des carcinomes internes car elles compressaient des organes, donnaient des hémorragies, etc. Le grade du cancer n’était pas en relation avec la mortalité. Nous détaillerons par organe dans les publications ultérieures. Bien sûr, nous avons eu des cancers qui sont indiqués dans l’article, même dans les légendes des photos.

DISCUSSIONS

Est-ce que les résultats que vous trouvez dans cette étude correspondent aux perturbations retrouvées dans les tests subchroniques réanalysés précédemment dans vos publications, que Monsanto sous-interprétait ?

Oui, il s’agit de signes de toxicité hépatorénale qui étaient publiés précédemment au bout de 90 jours de traitement seulement, qui sont déclarés fermement en pathologies dans notre expérience à long terme.

Pensez-vous que ces pathologies puissent être transposables à l’homme ?

Très généralement, oui, mais pas toutes. En fait, le moindre signe de toxicité chez le rat doit être pris en compte pour l’interdiction d’un produit. Depuis 50 ans les études se font chez le rat ou sur des cellules humaines pour les produits qui ne sont pas testés chez l’homme (où l’on teste seulement les médicaments, pas les OGM, ni les pesticides, ni les produits chimiques). Et pour les médicaments, les tests sur le rat ou 2-3 mammifères précèdent tout essai clinique. Si elles montrent des effets graves, on ne traite pas les humains ensuite. Les perturbations hormonales sont en tout cas pertinentes chez la femme pour contribuer aux tumeurs du sein et les effets hépatorénaux ont été retrouvés in vitro sur des cellules humaines.

Pourquoi citez-vous la référence de Zhang et al. de 2012 ? Cette référence ne porte en aucun cas sur des OGMs.

Une hypothèse est que des micro ARN nouveaux fabriqués par des OGMs puissent interférer avec le métabolisme. Nous ne pouvions la passer sous silence, mais nous avons d’autres hypothèses explicatives.

Comment expliquez-vous que les effets présentés ne se retrouvent pas dans les populations humaines ? Personne n’a jamais noté une augmentation des cancers du sein dans les populations exposées au Roundup ?

Il y a une explosion du nombre de tumeurs du sein qui ne sont pas expliquées par les études épidémiologiques. Nous vous rappelons que les OGM n’étant pas étiquetés la consommation d’OGM aux USA n’est pas répertoriée, ni dans le monde l’utilisation de Roundup.

Est-ce que les concentrations d’acide férulique retrouvées correspondent à celles indiquées dans l’expérience de Monsanto ?

Monsanto n’a hélas pas mesuré les concentrations d’acides hépato-rénaux et mammo-protecteurs directement dans le régime, mais seulement une fois l’acide férulique dans le maïs OGM et contrôle.

Vous dites que 76% des paramètres sont perturbés dans le rein, en quoi cela montre-t-il une toxicité ? Je ne comprends pas cette méthode.

Nous comptabilisons l’ensemble des paramètres perturbés par rapport aux contrôles et comparons au nombre des paramètres reliés à l’activité rénale par rapport à l’ensemble de tous les paramètres. Nous avons 48% de paramètres rénaux parmi tous les paramètres mesurés, or 76% des perturbés sont des marqueurs d’activité rénale ! N’importe quel médecin s’affolerait pour un patient dans ce cas. La répartition ne peut être due au hasard. (Ce chiffre était de 42%, dans une de nos publications antérieures, de paramètres perturbés, pour 24.9% mesurés, dans le rein mâle et pour la consommation en un trimestre en moyenne sur 19 OGM ; tests réglementaires). Le rein est 1,5 fois plus touché que les autres organes.

Le Roundup augmente la durée de vie chez les mâles ? N’est-ce pas le meilleur indicateur de la sécurité de cet herbicide ? Cette augmentation est même dose dépendante. Etrangement, vous n’en parlez pas. Pourquoi ?

Nous vous laissons cette interprétation fallacieuse ! Les mâles traités ont été plus malades que les contrôles en tout cas, même si dans 1 cas sur 6 traitements (3 chez les mâles + 3 chez les femelles) il n’y a pas de surmortalité pour aucune dose avant l’espérance de vie moyenne. Ces rats maigrissent cependant (nous verrons cela dans une autre publication) et cela peut leur donner une certaine résistance.

Avez-vous comparé vos résultats à ceux de l’étude japonaise de Sakamoto ou une autre ? Contrairement à ce que vous dites vous n’êtes pas les premiers à avoir étudié la sécurité d’un OGM pendant 2 ans.

Oui. Aucune n’a été aussi détaillée que la nôtre, et aucune ne porte sur le maïs NK 603 au-delà de 3 mois.

Vous avez fait l’étude dans un environnement BPL, l’étude est-elle classée BPL ? Si elle ne l’est pas cela ne la décrédibilise-t-elle pas ?

Il n’y avait pas de protocole standard pour ce type d’étude aussi longue avec des OGM, nous l’établissons en l’améliorant, c’est une première au monde. Donc il ne pouvait pas y avoir de norme préétablie pour ce type de test. De plus, c’est un protocole recherche où nous avons rajouté des analyses en cours, biochimiques et microscopiques pour comprendre ce qui se passait. Maintenant il pourra servir d’exemple pour établir des normes BPL pour les OGM, beaucoup plus sérieuses que ce que font les agences sanitaires aujourd’hui, qui ne travaillent ni scientifiquement, ni honnêtement. Cependant, ce travail a bien sûr été fait dans un environnement BPL.

 

L’équipe du Pr. Séralini.

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