A des concentrations où il semblait ne pas affecter un organisme dans son intégralité, le Roundup provoque des perturbations cellulaires en altérant notamment la production protéique. Cette nouvelle étude, dirigée par Christian Vélot, président du conseil scientifique du Criigen, montre une nouvelle fois la nécessité de revisiter le principe d’équivalence en substance.
Prenons une image qui parlera à tout le monde. Imaginons un instant que soit proposé aux automobilistes, un composé à rajouter au carburant traditionnel dans le réservoir de leur véhicule, afin d’en augmenter l’autonomie. Si vous ne dépassez pas une dose seuil dans le réservoir, vous gardez les mêmes caractéristiques et fonctionnalités apparentes qu’avec le carburant traditionnel (dépourvu de ce composé) : votre véhicule a la même puissance, ne pollue pas plus, et le moteur a la même durée de vie. Ainsi présenté, il n’y aurait pas de raison de se priver de l’ajout de ce composé.
Cette dose seuil est en quelque sorte la dose maximale pour laquelle il n’y a aucun effet néfaste visible. Elle est appelée NOAEL (No-observed-adverse-effect-level). C’est à cette dose de Roundup « GT Plus » (formulation “Grande culture”) que Christian Vélot et son équipe ont exposé le champignon Aspergillus nidulans, utilisé comme marqueur de la santé des sols agricoles.
Roundup et perturbations métaboliques
Alors que le champignon ainsi exposé ne manifeste aucune altération extérieure, les scientifiques ont observé ce qui se passait au niveau cellulaire et moléculaire, en utilisant comme référentiel le même champignon non exposé. Un peu comme si un mécanicien observait de près toutes les composantes du moteur après utilisation ou non du composé miracle ajouté au carburant.
Les conséquences sont claires : la formulation « GT Plus » module la quantité d’environ 6 % des protéines produites par les cellules. Les protéines affectées sont impliquées dans « le processus de détoxification cellulaire et de réponse au stress, la synthèse des protéines, le métabolisme des acides aminés, et le métabolisme énergétique et respiratoire », explique Christian Vélot, dans un communiqué.
Remise en cause de l’équivalence en substance
Cette étude montre donc que les effets du Roundup peuvent se manifester à des doses pour lesquelles il n’y a pas d’effet toxique visible. Ces effets invisibles à l’échelle de l’organisme entier sur le court terme peuvent cacher des effets qui se manifesteront sur le long terme. Pour filer la métaphore automobile, il reviendrait à dire que différents éléments mécaniques sont altérés par le composé additionné au carburant sans que cela se caractérise par des perturbations visibles sur le fonctionnement du moteur sur le court terme, mais avec des manifestations à plus longue échéance telles que, par exemple, une usure prématurée du moteur ou une émission de gaz polluants plus importante. Les deux carburants (avec ou sans l’additif) ne sont donc pas équivalents.
Or les plantes génétiquement modifiées (GM) tolérant le Roundup (et qui représentent 80% des OGM agricoles) sont conçues pour supporter les doses agricoles de l’herbicide qui ne leur font donc aucun effet apparent (en d’autres termes, ces doses agricoles sont inférieures ou égales à la dose NOAEL pour ces plantes). Et comme tous les OGM agricoles, ces plantes sont évaluées sur le principe d’équivalence en substance qui les considèrent aussi sûres du point de vue sanitaire et aussi nutritives que leurs homologues conventionnelles, sans tenir compte des éventuels effets cellulaires et moléculaires de l’herbicide avec lequel elles sont arrosées. C’est le cas notamment du soja GM tolérant au Roundup avec lequel sont massivement nourris nos animaux d’élevage. Ce soja importé d’Amérique du Sud, est considéré comme équivalent en substance au soja conventionnel.
Cette nouvelle étude, publiée dans Environmental Science and Pollution Research, montre qu’une telle équivalence ne peut être affirmée sans des analyses moléculaires comparatives approfondies entre le soja GM et le soja conventionnel, ainsi que des études de long terme.