En septembre 2012, la première étude au monde de toxicologie réalisée sur des rats mangeant un OGM (maïs NK603) tolérant au Roundup et buvant du Roundup (à la dose de ce que l’on retrouve dans l’eau du robinet) pendant deux ans fit grand bruit. Les « pro OGM » se lancèrent dans la bataille pour discréditer notre étude. La France et l’Europe décidèrent de réaliser trois études : GRACE, G-TwYST et OGM90+, afin d’éclaircir la situation.
A la fin juin 2018, à la suite de la sortie des premiers résultats (encore non publiés) des études GRACE, G-TwYST et OGM90+, certains de nos détracteurs nous ont à nouveau discrédité avec acharnement et véhémence.
En juillet dernier, nous avons maintes fois répondu et en montrant, en particulier la mauvaise foi patente de leurs propos car ils faisaient fi du « B-A-BA » de toute analyse scientifique : « Comparer ce qui est comparable » !
Une fois encore, il y a quelques jours, lors de la publication de l’étude OGM90+ (Salles et al. 2018), les mêmes faux arguments ont été repris, alors même que cette étude n’est en rien comparable à celle de l’équipe Séralini 2012, republiée en 2014, et n’est donc pas en mesure d’infirmer ou confirmer les résultats de l’étude de 2012.
Quelles sont les caractéristiques principales de l’étude Séralini :
– Une étude de toxicologie générale sur 2 ans recherchant les effets d’un maïs OGM tolérant au Roundup (maïs NK603) ainsi que ceux de l’herbicide associé.
Celle-ci a été suivie de 4 publications mettant en œuvre les techniques de transcriptomique, protéomique et métabolomique. Ces études (consultables sur le site du CRIIGEN) ont abouti entre autres, à deux résultats essentiels. 1) L’absence d’équivalence en substance entre ce maïs OGM et son équivalent non transgénique, le maïs NK603 contenant notamment des doses élevées de polyamines (dont la putrescine et la cadavérine), lesquelles sont connues pour avoir un effet sur le cycle cellulaire. Cela pourrait donc expliquer, au moins en partie, les tumeurs observées chez les rat ayant consommé seulement l’OGM (sans Roundup). 2) Les animaux ayant consommé des doses très faibles (inférieures à celle autorisée dans l’eau potable) d’herbicide à base de glyphosate développent des pathologies du foie, et en particulier une stéatose hépatique.
– Le choix de la souche de rats : des Sprague-Dawleys (comme dans toute étude de toxicologie), et non des Wistars.
Leur sensibilité est différente, notamment en ce qui concerne les tumeurs mammaires comme les fibroadénomes dont la sur-incidence était montrée dans l’étude Séralini. C’est pourquoi la souche Sprague-Dawley est recommandée par le programme américain de toxicologie (NTP) pour ce type de recherche du fait de leur sensibilité qui reflète mieux celle des populations humaines.
– Le volet pesticide de l’étude Séralini.
Plus important encore, le Roundup dans sa formulation commerciale a été testé pendant deux ans. Ceci n’a jamais été réalisé car la règlementation officielle pour l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché n’impose une étude de 2 ans que sur la molécule déclarée active du pesticide, c’est-à-dire dans le cas présent du glyphosate (Courrier du Directeur de l’Anses en 2013). Ainsi l’étude Séralini reste la seule au monde à avoir évalué les effets d’une consommation chronique (2 ans) de faibles doses d’un pesticide dans sa formulation commerciale. Ces résultats demeurent dans le corpus scientifique, et n’ont jamais été remis en cause ni infirmés.
En effet, l’étude GMO90+ et les études européennes (GRACE et G-TwYST) ne sont pas comparables avec « Séralini 2012 » :
– L’étude GRACE, s’est intéressée à un autre OGM, produisant son propre insecticide (Bt) et non tolérant le Roundup.
– L’étude G-TwYST ( non encore publiée) visait à évaluer la carcinogénicité, question plus spécifique qui a bien été réalisée pendant 2 ans, mais le volet de la toxicologie générale (avec analyses d’urine et de sang régulières) n’a pas excédé un an, au lieu de 2 ans dans l’étude Séralini. Il faut préciser que les protocoles expérimentaux axés sur la cancérogénèse ou sur la toxicologie générale sont bien différents. Par ailleurs dans l’étude Séralini 2012, il n’a jamais été question de cancer. Le mot cancer ne se trouve pas dans cette publication, les tumeurs étaient des fibroadénomes mammaires, ce qui est tout à fait différent.
– L’étude OGM90+ qui vient d’être publiée (Salles et al. 2018) est très différente de l’étude Séralini et ne peut pas y être scientifiquement comparée. Ce tableau met en exergue les différences fondamentales.
En conclusion, il est triste et dangereux que des scientifiques et des journalistes scientifiques puissent avoir de tels arguments. Nous sommes favorable au débat contradictoire, mais faut-il encore que les règles du jeu soient respectées. Comment soutenir que des études de 3 mois, même si elles ne montrent aucun impact, puissent permettre de déclarer l’innocuité d’un OGM mangé vie entière (30 mois). Par ailleurs, dans leur conclusion (Salles et al. 2018), considèrent que le fait d’avoir testé deux OGM pendant 3, voire 6 mois, permet d’affirmer que tous les OGM sont sans effets pour la santé. On ne peut pas à la fois reprocher au Nouvel Obs en 2012 d’avoir titré de façon générale (« Les OGM sont des poisons ») et adopter la même démarche. Ils mettent en doute la nécessité des études toxicologiques de 3 mois. C’est peut-être le seul point d’accord que nous avons : les études à 3 mois sont des études de toxicité aiguë qui ne permettent pas d’appréhender les éventuels effets chroniques. Or il est probable que les potentiels effets sanitaires d’un OGM ne se traduiront par une mort subit dans des cris de douleur ! Tous les OGM devraient être testés vie entière chez des rats. Et encore une fois, quand bien même des études concluraient à une absence d’effets sanitaires du maïs NK603, au nom de quelle principe scientifique devrait-on généraliser à tous les OGM ? N’y a t-il aucune différence entre le maïs NK603 qui n’est que tolérant au Roundup et le maïs Smarstax qui contient 6 caractères pesticides : la tolérance à deux herbicides et la production de 6 insecticides ?
La contradiction fait respirer la démocratie et a toujours fait avancer la science. Mais à condition que l’expérience et la rigueur de la démarche scientifique l’emportent sur des considérations idéologiques. Ces études ont coûté au total 15 millions d’euros. Cela aurait largement permis de refaire véritablement l’étude Séralini (et même plusieurs fois) pour savoir définitivement si les conclusions de l’étude de 2012 étaient confirmées ou non ! Une fois de plus les lobbys tentent de détourner le débat face aux risques graves sur la santé publique de produits qui contaminent régulièrement nos écosystèmes et notre alimentation, et que l’on retrouve dans le sang et les urines de la population mondiale.