« Transformation vers une EFSA ouverte », c’est le titre de la consultation publique lancée le 17 juillet 2014 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et qui se terminera le 15 septembre prochain. Les citoyens européens, du moins les anglophones, sont invités à participer à cette consultation en plein cœur de l’été. Entre espoirs de la société civile d’une réelle protection de la santé et intérêts économiques des entreprises, l’EFSA semble encore hésiter et se donne cinq années pour s’« ouvrir à la science 2.0 ».
En janvier 2013, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) lançait une initiative nommée « Open EFSA » visant à rendre sa gouvernance « plus ouverte et plus transparente ». Après une phase de négociation avec des membres de la société civile, l’EFSA lance une consultation citoyenne en ligne jusqu’à la mi-septembre. Le CRIIGEN se félicite de voir enfin bouger les lignes après des années passées à dénoncer l’opacité et les carences scientifiques dans les procédures d’évaluation des produits (pesticides, OGM), ou lorsqu’il s’agissait de révéler les conflits d’intérêts les plus flagrants. Comme le souligne l’association Inf’OGM, c’est en partie suite à « la controverse autour de la publication de Gilles-Eric Séralini sur un maïs transgénique et le Roundup en 2012, que cette initiative a eu pour objectif de répondre aux inquiétudes du public quant à la crédibilité de l’autorité. Et de restaurer une confiance relative. »
Le processus d’ouverture semble néanmoins limité par de nombreuses considérations expliquées dans un document mis à disposition du public avant la consultation. Selon l’agence européenne, le programme « Open EFSA » cherche à atteindre « deux objectifs politiques principaux dans les cinq prochaines années » : « améliorer de façon générale la qualité de l’information et des données utilisées pour produire ses avis » et « mieux répondre aux attentes normatives et sociétales ». En effet, sur ce dernier point, l’EFSA relativise son ouverture en fonction de critère de « coût/bénéfice » d’une part, mais aussi de « considérations liés à la protection des données », en particulier celles fournies par les producteurs et bénéficiant de la protection de « clauses de confidentialité » sur des « informations commercialement sensibles », que l’EFSA dit ne pas pouvoir lever seule.
L’association Inf’OGM, partie prenante au débat, rappelle que « l’industrie s’est systématiquement opposée à une telle transparence, réclamant de son côté une ouverture de l’EFSA pour discuter du contenu des dossiers de demande d’autorisation préalablement à leur dépôt. » Les procédures européennes d’évaluation des risques impliquent que les producteurs d’OGM, de pesticides et d’additifs alimentaires, conduisent eux-mêmes les études de risques avant d’en fournir les données à l’agence. De son côté, l’EFSA ne dispose pas des moyens nécessaires pour produire une contre-expertise sérieuse, se contentant d’une analyse réglementaire ne permettant pas d’identifier des risques faibles ou dissimulés.
Libérer les données brutes
Pour le CRIIGEN, « il y a urgence ! le système réglementaire actuel, qui supervise l’enregistrement et l’approbation des pesticides comme des OGM, n’a malheureusement pas la transparence et l’indépendance qui permettraient au public d’être convaincu que la nourriture que nous mangeons est en effet saine et sans danger. Faudra-t-il encore attendre cinq ans avant de voir des changements concrets pour garantir la santé de tous ? » Dès 2005, suite à un procès que Monsanto perdit contre l’Etat allemand, le CRIIGEN déjà obtenait des données brutes liées au test réglementaire du maïs OGM MON863, ce qui permit au groupe de chercheurs de produire sa propre contre-expertise sur les déficiences de ces tests en 2007.
La confidentialité commerciale et le secret industriel ne devraient pas être utilisés pour empêcher la publication d’informations relatives à la santé comme le prévoit l’Organisation Mondiale de la Santé. Par exemple, sur les pesticides les formulations chimiques exactes, c’est à dire le « principe actif » et ses adjuvants, devraient être évaluées telles qu’elles sont vendues et rendues publiques pour un meilleur étiquetage de ces produits. A titre d’exemple, le CRIIGEN réclame depuis des années le libre accès aux études toxicologiques ayant permis la mise sur le marché des OGM agricoles et des différentes formulations de Roundup, ainsi que la mise en accès libre des données brutes (urinaires et sanguines) des analyses de toxicologie pour tous les produits à base de glyphosate, et des pesticides en général, bien plus toxiques que leurs principes actifs déclarés, selon différentes recherches financées par le CRIIGEN. D’ici à 2015, l’EFSA est appelée à réviser la Dose Journalière Admissible (DJA) des herbicides à base de glyphosate, comme le Roundup, il est donc nécessaire que les données brutes sur lesquelles s’appuit l’EFSA soient rendues publiques. Enfin, le CRIIGEN déplore que le débat sur les adjuvants, et donc sur la toxicité réelle de cette famille d’herbicides, ait été unilatéralement clos par l’agence de sécurité alimentaire allemande (BfR) en préambule de sa mission de réévaluation du glyphosate pour l’EFSA.
De façon générale, le CRIIGEN encourage l’EFSA à rendre publiques les données brutes complètes des essais commandités par l’industrie pour obtenir des autorisations de mises sur le marché – y compris les données des tests de toxicologie animale à long terme ainsi que les analyses de sang de tous les tests réalisés – afin de permettre un examen indépendant par la communauté scientifique. Les données statistiques doivent être fournies sous forme analysable et réutilisable, c’est-à-dire sous forme de fichiers Excel ou Word, et non de pdf. Alors seulement, nous pourrons parler de « science ouverte » et de politique de transparence au service de la santé publique.