Perturbateurs endocriniens : les eurodéputés rejettent la définition proposée par l’Europe

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Alors que les États membres avaient accepté le 4 juillet dernier une définition trop laxiste des perturbateurs endocriniens (PE), les députés européens, réunis à Strasbourg, viennent pour l’heure part de s’y opposer, à la majorité absolue.


C’est une affaire qui traîne. Et elle est partie pour traîner encore davantage. Pour rappel, l’Union européenne s’était accordée, en 2009, pour appliquer un grand règlement des pesticides à l’échelle continentale, avec notamment pour ambition de retirer du marché, ou de ne pas commercialiser les substances connues pour être des PE. Sont inclues donc des molécules qui miment les hormones et sont susceptibles de modifier leur sécrétion, leur action ou leur devenir, au point de perturber le fonctionnement d’un organisme, entraînant troubles du développement, de la fertilité, voire du système nerveux.

Pour finaliser cela, la Commission européenne devait s’accorder sur une définition des PE et en établir les critères d’évaluation avant décembre 2013… Mais on y est toujours, au point que le Tribunal de l’Union européenne a condamné en 2015 la Commission pour avoir retardé illégalement l’encadrement des PE. Si l’instance a tenté de faire des propositions, elles se sont notamment heurtées à la réticence de certains États membres, dont la France, qui jugeait cette définition et ces critères trop laxistes et mettant en danger les populations.

Objection votre Honneur

 

Cependant, le changement de Président dans l’Hexagone au printemps dernier a changé la donne. Sous l’impulsion de son nouveau ministre de la Transition écologique et Solidaire, Nicolas Hulot, Paris a voté en faveur d’une définition jugée toujours trop laxiste par un certain nombre de scientifiques et pour de nombreuses organisations de la société civile, mais bien arrangeante pour les industriels de l’agrochimie. Une nouvelle étape était franchie, et la Commission espérait entériner sa définition prochainement.

Il fallait néanmoins convaincre les eurodéputés. Et ceux-ci, réunis le mardi 4 octobre dernier, se sont exprimés majoritairement contre cette définition, en votant, à la majorité absolue (389 voix pour, 235 contre, 70 abstentions) en faveur d’une objection au projet, proposée en septembre par les groupes des socialistes et des Verts.

Les députés européens ne veulent pas d’exception

 

Cette objection cible un point très précis de la définition, une dérogation spéciale accordée par le commissaire à la santé, le Lituanien Vytenis Andriukaitis, pour satisfaire certains pays comme l’Allemagne, qui craint pour son industrie. Cette dérogation permettait d’exclure de toute interdiction les insecticides conçus pour agir sur le système hormonal de leur cible, et donc conçus spécifiquement pour être des PE. Un paradoxe pour les eurodéputés, qui ont mis en avant la nécessité de protéger la santé des Européens plutôt que de trouver un compromis favorable à l’industrie. Une position salutaire.

Après ce qu’elle pensait être un pas en avant, la Commission européenne recule de deux pas et se voit dans l’obligation de se lancer dans de nouvelles négociations qui devraient durer de longs mois avec les États membres afin de recueillir encore une fois une majorité. Puis, une fois cette étape franchie, demander l’avis de ses eurodéputés, qui devront se rallier à la nouvelle proposition à la majorité. Déjà huit ans que l’Europe a accepté l’idée d’interdire les pesticides étant des PE. Il reste à entériner l’idée, puis à interdire les pesticides… Les poisons ont encore de belles années devant eux.