La révélation de courriels internes à Monsanto tend à montrer que les responsables de la multinationale s’inquiètent de la cancérogénicité de leur produire phare, le glyphosate, depuis 1999 et démontre les stratégies malhonnêtes mises en place par la firme pour tenter de noyer le poisson.
Le 16 mars dernier, la justice américaine a pris une décision lourde de conséquences pour la multinationale Monsanto, en exigeant la déclassification de nombreux courriels internes à la firme agrochimique. Ce jugement fait suite à la plainte d’agriculteurs du pays de l’Oncle Sam, victimes d’un lymphome non hodgkinien (un cancer du sang) qu’ils attribuent à l’utilisation du pesticide au cours de leur carrière.
Les révélations contenues dans ces correspondances internes ont de quoi semer le doute… En bref, on peut y saisir les stratégies utilisées par Monsanto pour tenter de faire accepter auprès des instances sanitaires du monde entier l’innocuité du glyphosate, molécule herbicide sur laquelle repose leur économie. Il est notamment question de trouver un grand ponte de la génotoxicité capable d’ « avoir une influence sur les régulateurs, ou conduire des opérations de communication scientifique auprès du public, lorsque la question de la génotoxicité [du glyphosate] sera soulevée ». S’il restait un doute sur la place de la sécurité sanitaire dans les préoccupations de la firme, le voilà levé.
Monsanto passe ses résultats sous silence
Une cible est d’ailleurs trouvée : un scientifique gallois du nom de James Parry. Malheureusement pour l’entreprise, ses recherches tendent à montrer le caractère mutagène de la molécule in vitro. Des conclusions bien gardées au chaud, et qui valent les interrogations des responsables de Monsanto, qui se demandent si ce bon professeur a déjà, par le passé, travaillé avec l’industrie agrochimique. Comme s’il était entendu d’avance que les résultats devaient forcément aller dans le sens de ceux qui financent les travaux de recherche, sans se soucier de l’éthique inhérente au métier de chercheur.
D’autres échanges sous-entendent la nécessité d’utiliser des prête-noms, et de recourir en réalité à un nègre pour écrire un article qui se veut indépendant, et qui prouve l’innocuité du produit incriminé. Celui-ci est finalement signé du nom de scientifiques reconnus et réputés, qui reçoivent en échange une rondelette somme d’argent. Cette fois, c’est Gary Williams, un chercheur à l’université de New-York, qui est pointé du doigt. L’intéressé et la multinationale nient les faits. Que pouvaient-ils faire d’autre ? Cependant, leurs positions ne font pas retomber le doute qui plane sur la tête de Monsanto.
Le glyphosate cancérigène ?
Néanmoins, les méthodes de la firme semblent avoir connu un certain succès. Et pour cause. Jess Rowland, membre de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA), serait un agent infiltré de Monsanto et aurait facilité la mise sur le marché du Roundup, à en lire ces courriels. D’autres instances ont suivi le mouvement. Et dernièrement, le 15 mars, soit la veille de la déclassification des documents internes, c’est l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) qui ne trouvait aucun caractère cancérogène ou mutagène à la molécule phare du géant de l’agrochimie.
Ces conclusions jettent d’autant plus le trouble qu’elles sont contradictoires avec celles établies en 2015 par le Circ (Centre internationale de recherche sur le cancer), branche de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) qui étudie la cancérogénicité de bon nombre de substances. Et selon les recherches, indépendantes, de l’organisme, le glyphosate serait à classer dans les agents cancérigènes probables, ceux-là même pour lesquels un faisceau d’indices tend à montrer des effets génotoxiques. Des résultats concordants avec ceux de James Parry et qui avaient été soumis au silence.
Et que dit alors le principe de précaution ?