Lettre ouverte aux dirigeants des firmes productrices d’OGM – 27/07/01

Paris, le 27 juillet 2001: liste des risques à étudier pour les OGM – LETTRE OUVERTE

Le CRII-GEN est un Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique. A ce titre, il s’est donné pour mission de poser les questions qui paraissent devoir l’être et d’attirer l’attention sur les risques qui sont d’ores et déjà envisagés si ce n’est identifiés et connus, en ce qui concerne les Organismes Génétiquement Modifiés…


La Présidente à

SYNGENTA,
BIOGEMMA,
ADVANTA,
MERISTEM,
AGREVO,
DOW AGROSCIENCES,
DUPONT DE NEMOURS,
BAYER,
AVENTIS,
MONSANTO France,
BASF Agro,
NOVARTIS Seeds,
MONSANTO Europe.

Paris, le 27 juillet 2001

objet : liste des risques à étudier pour les OGM – LETTRE OUVERTE

Monsieur le Président,

Le CRII-GEN est un Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique.

A ce titre, il s’est donné pour mission de poser les questions qui paraissent devoir l’être et d’attirer l’attention sur les risques qui sont d’ores et déjà envisagés si ce n’est identifiés et connus, en ce qui concerne les Organismes Génétiquement Modifiés.

Dans ces conditions nous avons l’honneur, très solennellement, de vous indiquer les risques qui à notre connaissance sont déjà très clairement identifiés en ce qui concerne la santé et l’environnement.

Même si les recherches ne permettent pas aujourd’hui, pour des raisons qui tiennent aux choix qui volontairement ont été faits quant aux domaines de recherches et quant à l’importance des investissements qui y sont consacrés, de définir l’ampleur de ces risques et l’étendue de leurs conséquences, nous tenons à affirmer que la connaissance de l’existence même de ces risques est de nature à exclure la possibilité pour les industriels dans l’avenir de se prévaloir, dans le cadre de la responsabilité pour les produits défectueux de l’exclusion de toute responsabilité liée au risque développement.

En effet, pour que le risque développement trouve à s’appliquer, il faut que le défaut du produit soit tel que le producteur ou bien celui qui lui a été assimilé n’ait pu le découvrir ni l’éviter, pour la raison que l’état des connaissances scientifiques et techniques objectivement accessibles à sa connaissance lors du moment de la mise en circulation du produit ne lui permettaient pas.

Or, il est tout à fait clair que l’on n’est plus dans le cadre d’un risque développement dans la mesure où il n’y a aucune ignorance pure et simple d’une impossibilité de connaître ou d’imaginer le risque.

C’est la raison pour laquelle nous venons par la présente vous indiquer une liste non exhaustive des risques qui nous paraissent d’ores et déjà tout à fait identifiés.

Il va de soi que la décision de ne pas approfondir les recherches sur ces risques ou de mettre en circulation des produits avant que les évaluations ne soient faites, est une décision dont la responsabilité vous incombe avec toutes les conséquences en termes indemnitaires qui pourraient s’y attacher.

Les risques notamment mis en lumière par notre Conseil Scientifique sont les suivants :

Premièrement, risques des OGM à mieux évaluer sur la santé :

a) Le risque lié aux protéines insecticides produites par 28 % des OGM commercialisés dans le monde, qui n’ont jamais été homologuées comme produits phytosanitaires et dont la toxicité sur les mammifères doit être réévaluée.
L’absence d’éclatement des globules rouges humains in vitro en présence de protéine tronquée (phénomène montré pour une protéine Bt) et l’absence d’effet sur les échanges électrolytiques ou la porosité des parois intestinales de mammifères, devra être documenté, sachant que les protéines Bt utilisées ont ce type d’effet chez des insectes, provoquant des infections.

b) Les risques liés aux herbicides, aux produits issus de la métabolisation de ces herbicides par la plante ou l’animal, et aux adjuvants et leurs métabolites associés à ces herbicides, doivent être analysés selon une procédure renforcée d’homologation de chaque herbicide concerné, notamment au niveau des effets hormonaux, nerveux et immunitaires à moyen et long terme chez les mammifères.
En effet, cette question n’a jamais été traitée auparavant pour les herbicides associés aux OGM, notamment car les plantes traitées avec ce type de désherbants étaient en général détruites et non consommées. Or, aujourd’hui des herbicides peuvent être absorbés en grandes quantités par les plantes tolérant un herbicide (environ 70 % des OGM). Malheureusement, les herbicides associés aux OGM ont été trouvés neurotoxiques, mutagènes, et causant des problèmes de reproduction sur le long terme.

c) Le risque lié à l’utilisation de séquences virales introduites dans la plupart des OGM. Il n’est pas pris en compte dans sa composante temporelle et évolutive. Ne favorisent-elles pas les recombinaisons génétiques et la susceptibilité des plantes aux infections virales ? Que se passera-t-il lorsque l’intérêt agricole ou industriel d’un transgène sera obsolète, mais que le transgène perdurera sans contrôle dans les variétés nouvelles en s’ajoutant aux autres transgènes ? Quelles expériences ont réalisé les producteurs d’OGM pour s’en assurer ?

d) Le risque de développement des allergies. Des tests cutanés pour détecter les allergies éventuelles à tous les nouveaux OGM doivent être mis sur le marché, les OGM rentrant par leurs produits dérivés dans une vaste majorité d’aliments.

e) Des morts étant déjà dus à la dissémination incontrôlée des gènes de résistance aux antibiotiques (par infections résistantes), les OGM contenant des gènes de résistance aux antibiotiques doivent être immédiatement retirés des catalogues officiels des semences et interdits à la culture, même expérimentale.

f) Les risques de désordres métaboliques causés directement ou indirectement par un OGM, plante ou micro-organisme, peuvent être liés à l’insertion aléatoire du transgène, ou aux séquences surnuméraires inutiles, perturbant le métabolisme de l’OGM de manière non facilement détectable par l’analyse de l’équivalence en substance. Ils sont donc à évaluer par des tests de longue durée de nutrition et de toxicologie préalables sur mammifères.

g) Les risques des micro-organismes génétiquement modifiés (MGM). La directive européenne 98/81/CE modifiant la directive 90/219/CEE relative à l’utilisation confinée de MGM exclut de son champ d’application certaines techniques telles que la mutagenèse et l’autoclonage. Cette formulation signifie que les MGM au sens législatif ne couvrent qu’une partie des MGM au sens scientifique : quelque soit la qualité des constructions génétiques réalisées, la perte objective du sens du terme  » MGM  » conduit, d’une part, à l’impossibilité de toute traçabilité créant donc de nouveaux risques alimentaires, et, d’autre part, à la perte de la liberté de choix pour le consommateur, et ce, dans les deux cas, par absence d’obligation d’étiquetage.

Dans l’attente de protocoles d’études et de mises en place de biovigilance après commercialisation, toute mise sur le marché doit être suspendue.

Deuxièmement, les risques des OGM à mieux évaluer sur l’environnement :

a) Les risques de dissémination et croisements (transferts génétiques verticaux et horizontaux), des plantes, animaux et micro-organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (OGM au sens des directives européennes ou non, comme les micro-organismes modifiés par autoclonage). Quelles sont

les assurances en cas de dégâts agronomiques, agro-alimentaires ou environnementaux ? En effet, les modifications génétiques importantes du vivant dans les conditions naturelles ne sont ni rattrapables ni recyclables.

Notons que 99 % des caractères introduits chez les OGM sont des caractères d’envahisseurs (production d’insecticide ou capacité à vivre en présence de désherbants) et qu’en ce sens ils remettent en cause la biodiversité des écosystèmes.

b) Les risques de contamination des semences ou des récoltes non OGM par des traces d’OGM, même expérimentaux, dont les séquences de détection devront être déclarées à un registre public. De même, les contaminations de la chaîne alimentaire seront à prendre en charge par les propriétaires des événements de transformations génétiques concernés.

c) Les risques des séquences virales introduites dans la plupart des OGM sur l’apparition de nouveaux virus par recombinaisons (voir 1 c).

d) Les risques induits par l’application d’insecticides ou d’herbicides en excès par rapport aux prévisions, même sur les champs contaminés ou les zones non agricoles, pour gérer les disséminations d’OGM, ou d’insectes liés aux OGM.

Il résulte de cet impressionnant catalogue que non seulement le risque de développement doit être totalement exclu dans le cas des OGM mais encore un certain nombre de risques sont aujourd’hui suffisamment identifiés pour considérer qu’il y a une véritable imprudence à commercialiser ces produits sans que les évaluations que l’OMS vient de recommander dans le cadre de la modification du Codex alimentarius ne soient préalablement effectuées.

Enfin, les conséquences sociologiques et éthiques sont également considérables.

a) Les conséquences liées aux nouvelles applications de seuils alimentaires dus aux OGM en agriculture et pour la distribution alimentaire et les risques potentiels et avérés sur la santé dus à des contaminations d’OGM, doivent être pris financièrement en charge par les producteurs d’OGM.

b) Les risques liés aux prises de brevets sur des organismes vivants, donc à l’appropriation des ressources, mais aussi à la standardisation et la banalisation des êtres vivants en les transférant dans le domaine de la technique, sont à évaluer en profondeur car ils entraînent des modifications sociales.

c) Les risques liés aux retards ou à l’absence de recherches alternatives pouvant conduire à des innovations comparables ou meilleures, non OGM sont à prendre en compte.

Dès lors nous tenons solennellement à prendre date pour l’avenir quant à la totale responsabilité de votre entreprise et de vous même dans le choix que vous effectuez en toute connaissance de cause de commercialiser les OGM et de les disséminer.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma considération très distinguée.

La Présidente,
Corinne LEPAGE

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