
Analyse par Michel Georget, membre du Conseil Scientifique du CRIIGEN
Les organismes chimères
Des vaccins sont ainsi fabriqués pour les animaux, par exemple contre la maladie de Newcastle des volailles, la peste bovine, la leucose bovine et la rage. Dans ce dernier cas, des essais ont été réalisés avec des virus recombinés, inclus dans des appâts et dispersés par hélicoptère. De tels essais ont été conduits par les Etats-Unis…dans la pampa d’Argentine (à l’insu des habitants), la loi leur interdisant de les mener sur leur propre territoire. Un vaccin antirabique a également été mis au point par la société Transgène de Strasbourg et l’Institut Mérieux. Il est fabriqué à partir du virus de la vaccine (c’est-à-dire l’ancien vaccin antivariolique) dans lequel a été introduit le gène codant pour une protéine d’enveloppe du virus de la rage. Si ce vaccin élimine le risque de contamination directe par le virus de la rage, il n’exclut pas pour autant le risque de recombinaison de ce virus-vaccin avec des virus sauvages sans qu’on puisse en prévoir les résultats. Certains scientifiques spécialistes en bioingéniérie s’inquiètent du risque de se retrouver sur le terrain avec autre chose que ce qui a été disséminé au départ. L’opinion publique allemande, alertée par les Verts, s’est d’ailleurs montrée hostile à cette dissémination d’OGM.
De tels vaccins porteurs d’organismes chimériques ont également été conçus pour l’homme. Un vaccin contre les rotavirus, responsables de nombreuses diarrhées à travers le monde, a été obtenu en associant des gènes humains à une souche simienne de rotavirus. Mis sur le marché aux Etats-Unis, et sur le point de l’être sur le marché européen, il a été retiré en catastrophe en juillet 1999, quelques mois seulement après son autorisation, parce que des nourrissons vaccinés étaient atteints de diverticulose.
On retrouve pour ces vaccins à base d’organismes chimériques les mêmes problèmes que pour les végétaux : dissémination de gènes dans une population animale ou humaine avec le risque de recombinaisons incontrôlables.
Obtention de protéines antigéniques
L’exemple le plus connu des vaccins recombinants est celui des vaccins anti-hépatite B (GenHevac B®, Engerix B®, HBVax DNA® ou Recombivax®). Dans ce cas là, on n’utilise pas directement le micro-organisme génétiquement modifié mais le produit qu’il génère. La technique consiste à faire exprimer par un système cellulaire la protéine de surface du virus de l’hépatite B (HBs) grâce à un plasmide recombinant introduit dans ces cellules.
Dans le cas du GenHevac B®, les opérations successives sont les suivantes :
– Création de deux plasmides recombinants à partir de plasmides d’Escherichia coli (le colibacille) comportant un gène de résistance à l’ampicilline et dans lesquels on insère pour l’un le gène S du virus de l’hépatite B, pour l’autre un gène de résistance (dhfr) au méthotrexate. Chacun de ces gènes est placé sous le contrôle d’un promoteur viral provenant du virus simien SV40 pour le gène S et du virus MMTV (virus de la tumeur mammaire de la souris) pour le gène de résistance dhfr. Des séquences régulatrices issues du SV40 complètent ces assemblages. – La fusion de ces deux plasmides donne le plasmide recombinant « pSVS dhfr » qui est cloné dans des bactéries, le gène de résistance à l’ampicilline permettant de trier les bactéries ayant incorporé les plasmides
– Les plasmides sont ensuite transfectés dans des cellules de lignée continue CHO (issues de cellules d’ovaire de hamster de Chine et déficientes en dhfr). Après transfection, les cultures cellulaires sont traitées par le méthotrexate : celles qui ont incorporé des plasmides pSVS dhfr résistent à ce poison et peuvent traduite le gène S en protéine HBs.
Les autres vaccins anti-hépatite B sont obtenus sur le même principe mais avec quelques différences, la principale étant le système cellulaire d’expression du gène S qui est constitué par des levures.
Quels risques ces vaccins font-ils courir ?
Dans un dossier du Centre national d’information sur le médicament hospitalier (CNIMH) consacré aux vaccins contre l’hépatite B, il apparaît que ces vaccins contiennent entre 1 et 30 picogrammes d’ADN résiduel. Cet ADN provient aussi bien des cultures cellulaires (dont certaines, comme les cellules CHO, ont les caractères de cellules cancéreuses) que des manipulations nécessaires à la fabrication des plasmides recombinants. Ces impuretés d’ADN représentent des quantités non négligeables puisqu’un seul picogramme d’ADN représente un milliard de paires de bases. Le risque principal est de voir cet ADN s’incorporer au patrimoine génétique des receveurs et provoquer des mutations par insertion pouvant participer à l’apparition de cancers. Ce risque a d’ailleurs été évoqué dès 1987 par l’OMS dans un rapport d’experts sur « l’acceptabilité des cultures cellulaires pour la production de substances biologiques », rapport dans lequel on peut lire :
» Un des grands problèmes est le risque de malignité que pourrait présenter à long terme un ADN contaminant hétérogène, en particulier s’il s’avère qu’il contient des séquences codantes ou régulatrices potentiellement oncogènes. Ce point est réellement préoccupant, car de nombreuses personnes en bonne santé, notamment des nourrissons, seront peut-être vaccinées avec des produits issus de lignées cellulaires continues, ou les recevront de toute autre manière. » […]
» Il faut tenir compte de plusieurs points lorsqu’on fait ces estimations du risque.
Premièrement, tous les calculs sont fondés sur le postulat selon lequel le facteur de risque d’induction tumorale décroît linéairement avec la concentration d’ADN. Ce postulat n’est pas forcément exact, puisqu’une quantité d’ADN qui n’a aucun effet biologique mesurable lors d’un essai normalisé parce qu’elle est présente à une trop faible concentration, peut quand même avoir un effet dans certaines conditions ou sur certains organes ou tissus.
Deuxièmement, on ignore encore si le risque associé à des expositions répétées à de l’ADN agira de façon cumulative ou non.
Troisièmement, il faut envisager la possibilité que les préparations d’ADN qui n’induisent pas de tumeurs dans les systèmes expérimentaux puissent provoquer chez l’homme des modifications susceptibles d’accroître l’incidence de l’apparition de tumeurs après de longues périodes de latence. Quatrièmement, les expériences conduites sur des animaux à courte durée de vie ne permettent pas d’évaluer les effets à long terme des séquences d’ADN acquises. »
Voulait-on, avec ces vaccins anti-hépatite B, juguler une maladie très répandue ? Il n’en est rien si l’on en croit cet extrait d’un ouvrage d’hépatologie clinique : Dans les pays de faible endémie (dont la France), » l’hépatite B est essentiellement une maladie d’adultes, survenant typiquement dans des groupes particuliers à haut risque. Dans ces pays, la prévalence des porteurs chroniques est faible, la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire associés au virus de l’hépatite B sont rares et la transmission mère-enfant peu habituelle. «