L’article accepté par PLOS ONE est finalement paru le 2 juillet et non le 17 juin, sans changement de résultats, avec un résumé raccourci par l’éditeur sur les conséquences réglementaires, et en précisant le financement de nos autres travaux.
Les rats de laboratoire sont fréquemment utilisés pour tester des quantités de produits chimiques ainsi que les OGM, dernière étape avant la commercialisation pour connaître leurs effets sur la santé des mammifères, et présager des risques chez les humains. Pesticides, perturbateurs endocriniens ou du système nerveux, plastifiants et additifs alimentaires sont notamment concernés. Certains sont soupçonnés d’être cancérogènes, d’autres sont progressivement interdits après avoir empoisonné la population et l’écosystème.
Or, les agences sanitaires considèrent qu’une proportion élevée d’animaux de laboratoire sont prédisposés à développer de nombreuses pathologies, et ceci d’après les archives des industriels appelées « données historiques » : 13 à 71% d’entre eux présenteraient spontanément ou naturellement des tumeurs mammaires, 26 à 93% des tumeurs hypophysaires, et le fonctionnement des reins de ces animaux serait fréquemment déficient. Cela empêche l’attribution des effets toxiques observés aux produits testés, et oblige à sacrifier un nombre important d’animaux pour tenter d’observer des résultats statistiquement significatifs dans les tests de cancérogenèse, par exemple. Mais un doute persiste souvent et le produit demeure commercialisé. L’origine de ces pathologies est-elle génétique ou bien relève-t-elle de l’influence de l’environnement ?
Travaillant sur cette question, l’équipe du Professeur Gilles-Éric Séralini de l’Université de Caen, soutenue par le CRIIGEN, a analysé avec des méthodes normalisées et avec l’aide de laboratoires accrédités la nourriture des animaux de laboratoire. Cette alimentation provenant des cinq continents est habituellement considérée comme équilibrée et hygiénique. L’étude menée est d’une ampleur exceptionnelle; elle s’est attachée à rechercher dans 13 échantillons communs de croquettes pour rats les traces de 262 pesticides, 4 métaux lourds, 17 dioxines et furanes, 18 PCB et 22 OGM.
Les résultats sont accablants : tous les lots de croquettes contiennent des concentrations non négligeables de plusieurs de ces produits, à des niveaux susceptibles de causer des pathologies graves et de perturber le système hormonal ou nerveux des animaux. Cela masque les effets secondaires des produits testés. Par exemple, les résidus du principal pesticide du monde, à base de glyphosate et d’adjuvants très toxiques, tel le Roundup et ses génériques, ont été détectés dans 9 des 13 régimes, et 11 d’entre eux contenaient des OGM avec lesquels ce Roundup est amplement utilisé.
Il est à noter que l’un de ces lots a servi de nourriture dans une étude réglementaire du Laboratoire DuPont sur un colza transgénique tolérant au Roundup ; les croquettes des animaux témoins contenaient de manière importante des résidus de Roundup, qui provoquent des effets toxiques. L’étude a conclu à l’innocuité du colza en question alors qu’elle est bien évidemment faussée. Procéder ainsi revient tout simplement à vouloir montrer le caractère non dopant d’une substance en réalisant une étude avec Lance Armstrong comme témoin.
Il apparaît par conséquent que la consommation chronique de ces aliments pollués perturbe le bon déroulement des expériences, que l’origine des pathologies et des troubles des rats est trop rapidement imputée à des causes génétiques liées à l’espèce, « spontanées ou naturelles » comme l’affirment des agences sanitaires, et que les résultats de nombre de tests toxicologiques réglementaires conduits jusqu’à présent sont lourdement sujets à caution. Un pas de plus dans la compréhension des méthodes de compromissions et de laxisme de certains experts ?
Ainsi est favorisé l’accès sur le marché d’innombrables produits industriels potentiellement dangereux pour la santé publique.
Le texte accepté par l’éditeur dans un premier temps, puis censuré dans le résumé la veille de la première parution prévue est le suivant, il est important pour les auteurs : Ce travail invalide l’utilisation de témoins externes (les données historiques) dans les tests réglementaires. Ils consistaient à comparer les effets toxicologiques à des rats témoins d’autres expériences. Ces rats témoins en effet sont nourris de différents mélanges de polluants. Ceci remet aussi en question l’utilisation de 50 rats par groupe en cancérologie, ce qui permettait d’augmenter la puissance statistique perdue à cause du bruit de fond élevé des pathologies.
Publié dans PLOS ONE
Laboratory rodent diets contain toxic levels of environmental contaminants: implications for regulatory tests
par Robin Mesnage et Nicolas Defarge*, Louis-Marie Rocque, Joël Spiroux de Vendômois et Gilles-Eric Séralini
*Ces auteurs ont contribué de manière égale à ce travail et doivent tous deux être considérés comme premiers auteurs
Contact : Pr. Gilles-Eric Séralini, Université de Caen, Institut de Biologie et Pôle Risques, Qualité et Environnement Durable. Tel. 02 31 56 56 84
La presse :
Vidéo : http://france3-regions.francetvinfo.fr/basse-normandie/2015/06/18/nouvelle-etude-de-ge-seralini-les-tests-de-laboratoire-sont-fausses-750233.html