En Italie, des chercheurs tentent de mesurer les effets de l’herbicide le plus utilisé au monde sur la reproduction et les fœtus. Particularité : l’étude se veut complètement indépendante de l’industrie agrochimique.
L’Europe s’apprête, à la fin de l’année 2017, à réévaluer la mise sur le marché du glyphosate, principe actif déclaré du fameux herbicide-phare Roundup de Monsanto. Pour cela, le Vieux Continent attendait notamment l’avis de l’Agence européenne des produits chimiques qui, le 15 mars dernier, a conclu à l’absence de cancérogénicité de la molécule phytosanitaire.
Néanmoins, face aux accusations de conflits d’intérêts qui touchent les agences de santé du monde entier, certains se montrent dubitatifs quant aux études de références et préfèrent entreprendre le travail eux-mêmes pour, pourquoi pas, faire pencher la balance dans l’autre sens. C’est la démarche qu’a entreprise le CRIIGEN en réalisant la première étude à long terme sur les effets du Roundup. C’est maintenant le cas de l’Italienne Fiorella Belpoggi, directrice du Centre de recherche contre le cancer Cesare Maltoni, dépendant de l’Institut Ramazzini. Cette coopérative scientifique regroupe environ 28 000 membres, qui ont financé l’étude qu’elle dirige.
Le glyphosate et le Roundup en cours d’examen
Pour l’heure, cette recherche est toujours en cours et les résultats ne sont pas encore tous tombés, loin de là. Néanmoins, dans la première phase de son travail, la scientifique explique à Reuters que les rats exposés aux doses autorisées pour les humains ne présentent, pour l’instant, pas de signes d’une quelconque toxicité après une exposition à court terme.
Cette annonce est sûrement très prématurée, comme le confirme elle-même Fiorella Belpoggi. « Ceci ne dit pas grand-chose à l’heure actuelle, parce que les examens des paramètres clé qui peuvent être affectés par une exposition sont toujours en cours et nous attendons les résultats. » Sont ainsi concernés les modifications génétiques éventuelles, ou les possibles effets sur la fertilité (qualité du sperme, développement de malformations chez l’embryon, ou troubles de la croissance, etc.).
L’Europe prévenue dans les temps
Désireuse de terminer le travail rapidement, afin d’apporter des éléments supplémentaires à l’Union européenne avant que celle-ci ne se prononce de façon ferme sur la remise sur le marché, ou non, de la molécule herbicide, Fiorella Belpoggi a promis que les résultats complets seront disponibles pour le mois de juin prochain. Dès lors, l’étude sera remise entre les mains d’experts en vue d’une publication dans un magazine scientifique à comité de lecture. Dans le même temps, la Commission européenne recevra une copie de ce travail, afin de pouvoir trancher en toute connaissance de cause.
La scientifique Fiorella Belpoggi s’était lancée aux côtés d’une fondation russe dans une réplication de l’étude de l’équipe du Pr. Gilles-Eric Séralini annoncée en grande pompe lors d’une conférence à Londres en 2015. Le projet « Factor GMO » se fait toujours attendre.
Les effets à long terme du Roundup et du glyphosate restent donc à préciser. Des dizaines d’études à court terme sont déjà disponibles pour évaluer la toxicité du glyphosate et du Roundup. Seules des études de toxicité chronique ou des études de cancérogénèse pourront éclaircir le débat actuel, notamment pour savoir si le glyphosate est un cancérogène, comme l’avait proposé le Circ (Centre internationale de recherche contre le cancer), ou pour confirmer si le Roundup provoque des maladies du foie comme l’ont montré les récentes études du CRIIGEN sur des rats exposés de façon chronique (deux ans) à une dose correspondant à celle que l’on trouve dans l’eau du robinet de Bretagne ou d’Ile-de-France.
« Nous aimerions obtenir les résultats à temps pour aider les régulateurs à prendre la bonne décision concernant cette molécule. Si c’est négatif et qu’il n’y a pas d’effet, alors nous serons heureux parce que je suis également exposée. Mais s’il y a quelconque dommage, alors nous aimerions que tout le monde le sache », a déclaré la scientifique italienne. Ne reste donc plus qu’à attendre encore quelques semaines les conclusions de ce travail qui risque d’enfoncer des portes ouvertes.